Lutte biologique. Des micro guêpes ramènent leur fraise dans les serres de Plougastel

6 mai 2024 à 8h21 - Modifié : 6 mai 2024 à 8h23 par Dolorès CHARLES

serre de fraises (29)
serre de fraises (29)
Crédit : Yann Launay

C'est la saison des fraises comme ailleurs en France, et à Plougastel (29) une nouveauté fait son apparition cette année dans le cadre de la lutte biologique, des micro-guêpes sont lâchées dans la serre pour s'attaquer au puceron du fraisier. Explications.

Protéger les fraises grâce à des insectes, plutôt qu'avec des pesticides : c'est l'objectif d'une expérimentation qui vient de démarrer chez des producteurs de Plougastel, dans le Finistère. C'est le principe de la lutte biologique : on élève tout spécialement des micro-guêpes, plus petites qu'un grain de riz, que l'on lâche dans les serres pour qu'elles s'attaquent au puceron du fraisier, et pour protéger ainsi la récolte, mais que sont exactement ces parasitoïdes, et comment agissent-ils sur les pucerons ?

"La larve va se développer à l'intérieur du puceron, et le tuer"

Pour Romain Ulmer, ingénieur en recherche-développement chez Frais' Nat, "ce sont de petits insectes, proches des guêpes, qui vont pondre leur œuf dans les pucerons. Ensuite la larve va se développer à l'intérieur du puceron, le tuer et une guêpe adulte va en émerger, et poursuivre le cycle sur d'autres pucerons. C'est une espèce naturelle et locale, une espèce déjà présente de manière sauvage dans le paysage breton et français. La micro-guêpe se régule d'elle-même, puisque dans la serre il n'y a pas beaucoup d'autres proies que les pucerons, donc si elles sont efficaces la population de pucerons descend très bas, il y aura moins de guêpe à sortir, et cela va atteindre un équilibre tout seul... Si la guêpe s'échappe de la serre, ce qui arrive, c'est déjà une espèce que l'on retrouve dehors, ça ne pose pas de problème environnemental."

Romain Ulmer, ingénieur en recherche-développement chez Frais' Nat
Crédit : Yann Launay

"Une vraie attente des producteurs en lutte biologique"

Les résultats de ces tests sont très attendus par les producteurs, qui cherchent à pouvoir se passer des produits phytosanitaires, et sont confrontés à des phénomènes de résistance aux pesticides. "De manière générale, la résistance aux pesticides est quelque chose qui touche à peu près tous les ravageurs et les pesticides, souligne Romain Ulmer, c'est un effet purement mécanique de sélection de ceux qui résistent, parce que les autres meurent. On avait encore des produits qui fonctionnaient sur le puceron du fraisier, le problème c'est que l'un des produits les plus utilisés, le Movento, va être interdit en 2025. Chez nous, le projet avait commencé avant l'annonce de son interdiction, mais cette annonce accélère les choses, et il y a une vraie attente des producteurs en lutte biologique, une fois que le produit sera interdit."

Romain Ulmer, ingénieur en recherche-développement chez Frais' Nat
Crédit : Yann Launay
Romain Ulmer
Romain Ulmer
Crédit : Yann Launay

Le puceron ne va-t-il pas s'adapter ?

Bien sûr, le puceron va s'adapter, pour Romain Ulmer, car "il y a une évolution naturelle, mais le parasitoïde aussi. Comme dans la nature, le prédateur évolue en même temps que sa proie : le puceron devient de plus en plus résistant, mais le parasitoïde devient de plus en plus virulent pour compenser, et cela s'équilibre. S'il y a des problèmes, ils ne viendront pas des pucerons en eux-mêmes, mais plutôt des méthodes d'élevage qui font qu'on peut perdre de la diversité génétique. On peut avoir des phénomènes de consanguinité..." 

"Cette lutte biologique peut revenir moins chère"

La lutte biologique est particulièrement pertinente, en protégeant à la fois l'environnement et la production mais sur le plan économique, l'utilisation de ces micro-guêpes, qu'il faut élever, sera-t-elle compétitive, en termes de coûts pour les producteurs ? "On est sur la phase expérimentale, et il est encore difficile d'avoir une estimation des coûts sur ces parasitoïdes. Mais il y a quand même beaucoup d'études qui montrent que la lutte biologique, quand elle est bien utilisée, peut revenir moins chère à l'hectare que des produits phytosanitaires."

 

Romain Ulmer, ingénieur en recherche-développement chez Frais' Nat
Crédit : Yann Launay
Serre de fraises
Serre de fraises
Crédit : Yann Launay

Les lâchers de micro-guêpes vont se poursuivre dans les semaines qui viennent à Plougastel. Le premier bilan est prévu à l'automne 2024.