L'Ouest mobilisé pour les mineurs isolés

20 novembre 2017 à 16h49 par Katell LAGRE

HIT WEST

Une maison inhabitée du quartier Saint Marc à Brest, ouverte la semaine dernière pour héberger une quinzaine de jeunes migrants isolés…
A Nantes, c’est l’ancienne école de Beaux-Arts qui a été brièvement «réquisitionnée » ce week end, par des étudiants…
Samedi, ils avaient ouvert le lieu, vide depuis plusieurs mois, pour y installer des mineurs étrangers isolés, afin qu’ils puissent passer l’hiver au chaud… Mais dès le lendemain, à la demande de la Ville de Nantes, propriétaire des lieux, le squat était évacué, et définitivement fermé…
Aujourd’hui, un rassemblement était organisé devant les lieux, en soutien à ces mineurs étrangers isolés comme Souleymane Aziz, arrivée de Guinée Conakry il y a trois semaines, après un voyage d’un an. A son arrivée à Nantes, il a été « évalué » par les services du Département, qu’ils l’ont considéré comme majeur alors qu’il dit avoir 16 ans… Il a déposé un recours pour contester cette décision, qui le prive de l’aide sociale à l’enfance. Et en attendant, il vit et dort dans la rue. Souleymane Aziz ne comprend pas les critères d’évaluation du Département…

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« Comment tu peux confondre le comportement d’un mineur de l’Europe avec le comportement d’un mineur d’Asie ou d’Afrique ? On n’a pas les mêmes cultures ou les mêmes modes de vie. Chez nous, dans l’enfance, tu sais que tu dois tout faire pour ta maman. Ici, les enfants, c’est les mamans qui font tout pour eux. Nous, tu sais que tu dois l’aider, physiquement, moralement, économiquement. C’est pas les mêmes réalités. Comment voulez-vous que notre réflexion, notre expérience de vie soit la même ? C’est pas raisonnable ».

Ces mineurs isolés sont de plus en plus nombreux à Nantes. Environ 300, selon les associations vers lesquelles ils sont orientés. Parmi eux, ils sont donc plusieurs dizaines qui vivent et dorment dans la rue. Ecoutez Joana, une étudiante mobilisée pour ces jeunes étrangers…

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« Là, on est devant les Beaux-Arts, un bâtiment qui est vide depuis plusieurs mois. Il y a l’électricité, l’eau chaude, le chauffage, et à l’intérieur, il y a des vigiles qui tournent… alors qu’on avait un super projet à proposer. On allait mettre à l’abri au moins pour l’hiver des dizaines de jeunes qui dorment sous les ponts. En ce moment, ils sont une soixantaine à la rue. »

Si ces jeunes sont à la rue, c’est parce qu’ils sont en attente de l’examen de leur situation : le Département conteste le fait qu’ils sont mineurs, ils ont donc déposé un recours pour que leur dossier soit réétudié par la justice. S’ils sont reconnus mineurs, ils relèveront de l’aide sociale à l’enfance, assumée par le Département. Mais les délais sont longs, et bien souvent, ces jeunes se retrouvent à la rue. Mathieu Quinette est le coordinateur du programme Migration Droit et Santé de Médecins du Monde à Nantes…

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« Une fois qu’ils n’ont pas été reconnus mineurs par le Département, ils sont implicitement reconnus majeurs et doivent donc solliciter le droit commun de l’hébergement, qui est complètement saturé. Ce temps du recours peut durer trois à neuf mois, pendant lesquels ils n’ont aucun hébergement, aucun accès aux soins, à l’éducation. Et à terme, la moitié des mineurs sont finalement reconnus mineurs. Donc on peut dire qu’on leur vole neuf mois de leur vie ».

Comment est évalué l’âge de ces jeunes migrants ? Avec des critères opaques, dénonce Mathieu Quinette, le coordinateur du programme Migration Droit et Santé de Médecins du Monde à Nantes…

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« Les tests osseux n’ont aucune base scientifique, et on veut que ce soit arrêté. L’évaluation orale, il n’y a aucun cadre précis, c’est hyper subjectif : « il a une pilosité, une allure qui n’est pas celle d’un mineur… ». il n’y a aucune méthodologie, il faut y mettre fin. Ensuite, les documents d’identité, c’est très compliqué de les faire venir. L’ensemble des critères qui sont mis en œuvre sont hautement critiquables ».

Rappelons qu’après l’évacuation des Beaux-Arts, la mairie a fait savoir, dans un communiqué, que « ce site n’a absolument pas vocation à héberger des personnes sans abri puisqu’il n’est ni adapté ni sécurisé pour cela ». Elle a annoncé mettre à disposition une dizaine de logements. Le Département a lui tenu à préciser « qu’il respecte ses obligations en matière de mise à l’abri des jeunes migrants ». Selon lui, « aujourd’hui en Loire-Atlantique, il n’y a pas de jeunes migrants dont l’âge est en cours d’évaluation ou évalués mineurs qui soient à la rue. »
Les étudiants et militants qui soutiennent les jeunes migrants ont eux annoncé qu’ils envisageaient de nouvelles actions de « réquisitions ».

Reportage de Charlotte David.