[Témoignage] Surpopulation carcérale à Brest : un système pénitentiaire à bout de souffle

17 avril 2024 à 8h54 - Modifié : 18 avril 2024 à 6h01 par Gianni CASTILLO

Une prison
Crédit : Pixabay

Violences, trafic de drogue et épuisement des surveillants : écoutez le cri d'alarme d'un professionnel de l'intérieur, Reynald Cochennec. Il est surveillant pénitentiaire à la maison d’arrêt de Brest (29), un établissement marqué par un meurtre de codétenus en 2021. Le procès de l'accusé vient de se terminer.

Dans les couloirs de la maison d'arrêt de Brest, les murs résonnent des cris de détresse d'un système pénitentiaire à bout. Avec une population carcérale frôlant les 500 détenus pour une capacité théorique de 254 places, la surpopulation atteint des proportions alarmantes. Mais les conséquences ne se limitent pas à des cellules surpeuplées et des matelas au sol... Les violences font rage au sein de l'établissement breton. Un homme a d’ailleurs été condamné lundi (15 avril), à 20 ans de réclusion criminelle, pour avoir tué l'un de ses codétenus en août 2021.

Les conséquences de la surpopulation carcérale

Reynald Cochennec, surveillant pénitentiaire à la maison d’arrêt de Brest, témoigne des effets dévastateurs de cette surpopulation sur la vie quotidienne de la maison d'arrêt. Entre tensions exacerbées, risques accrus d'incidents et promiscuité, la sécurité des détenus et du personnel est gravement compromise. "On se retrouve avec des tensions supplémentaires du fait de la promiscuité. Le surveillant n'a pas forcément le temps de répondre à toutes les sollicitations. Or la caractéristique d'un détenu, c'est qu'il n'est pas forcément patient, donc plus vous mettez de temps à répondre, plus la tension monte." Des tensions aussi du fait "d'être trois dans une cellule : la cohabitation entre détenus n'est pas aisée. Pour nous, la difficulté est de faire tenir tout le monde en même temps sans qu'il n'y ait d'incidents graves. Dernièrement, on a vu avec quelques rayons de soleil la température monter. On s'est retrouvé avec des tensions supplémentaires, des bagarres en cours de promenade, et une agression de personnel."

Reynlad Cochennec
Crédit : Gianni Castillo

La menace du trafic de drogue

En parallèle, le trafic de stupéfiants prospère à la prison. Les surveillants doivent également lutter contre cette menace grandissante. Pour Reynald Cochennec, il est impératif de trouver des solutions efficaces pour endiguer ce fléau et protéger l'intégrité de l'établissement. "Ici, c'est comme à l'extérieur, vous avez des chefs de réseau qui organisent tout ça, et il faut avoir les moyens. En prison, le prix de la drogue est largement supérieur à ce qui se fait à l'extérieur... C'est principalement de la résine de cannabis, mais on trouve toutes les drogues, régulièrement de la cocaïne, de l'héroïne, du crack, etc. La mission première de l'administration pénitentiaire dans les prisons, c'est la sécurité, et on est très inquiets du fait de ce trafic de stupéfiants qui enfle par l'intermédiaire des projections. Nous avons réclamé la pose de filets anti-projections afin d'essayer d'endiguer ce phénomène. Pour l'instant, l'administration pénitentiaire n'a pas répondu favorablement à cette demande donc on va essayer de réfléchir à d'autres solutions afin de limiter ces projections sur l'établissement et limiter le trafic de stupéfiants."

Reynald Cochennec
Crédit : Gianni Castillo
Barbelés
Crédit : Pixabay

Des solutions à court ou long terme

Quelles sont les solutions pour désengorger les prisons et prévenir le burn-out des surveillants ? Pour Reynald Cochennec, il y a des mesures urgentes à prendre pour pallier cette situation critique. De la réforme des politiques pénitentiaires à l'investissement dans des alternatives à l'incarcération. Sur le court terme : il faudrait "déjà transférer les détenus qui n'ont plus rien à faire en maison d'arrêt, dans des établissements pour peine. Au niveau des aménagements de peine, on pourrait essayer de faire en sorte que l'on utilise le bracelet électronique plus régulièrement."

Sur le long terme, "on ne pourra pas y échapper, il faudra penser à la création d'un nouvel établissement, parce que le service des agents est obligé de rappeler, constamment, des agents sur leur repos. Les agents sont à 36, 40 voire 45 heures supplémentaires par mois. Si vous n'avez pas le temps à l'extérieur de vous reposer, de vous vider la tête et que vous revenez dans un milieu hyper tendu... Au bout d'un moment, ce que nous nous craignons, c'est que l'élastique lâche et qu'on se retrouve avec une vague d'arrêts maladies ; les gens n'en pourront plus."

Reynald Cochennec
Crédit : Gianni Castillo

Alors que les tensions montent d'un cran, le syndicat Sud Santé Sociaux du CHU Brest-Carhaix a déposé un préavis de grève local de 24 heures, ce mercredi 17 avril. Un geste symbolique qui souligne l'urgence d'agir pour préserver la dignité et la sécurité dans les établissements pénitentiaires.