Koun Breizh : l'association demande l'inscription des lieux-dits au patrimoine immatériel de l'Unesco

24 avril 2024 à 18h48 - Modifié : 24 avril 2024 à 18h49 par Nolwenn Even

L'association Koun Breizh craint la disparition des noms de lieux-dits en breton avec la loi 3DS.
Crédit : Nolwenn Even

Kerdraon, Coat Bihan, Kerbrat, autant de noms de lieux-dits qui pourraient disparaître avec l’application de la loi 3DS "Différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification", qui vise à simplifier les adresses postales. L'association bretonne Koun Breizh demande l'inscription en urgence de la toponymie bretonne au patrimoine immatériel de l'Unesco.

A partir du 1er juin 2024, les communes de 2 000 habitants et moins vont devoir nommer l'intégralité des rues et donner un numéro à chaque usager. C'est la résultante de l'application de la Loi 3DS "Différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification". Certaines communes ont déjà commencé, faisant disparaître des hameaux l'adressage ou en les nommant en français. Pour sauver "une identité bretonne ancestrale", l'association Koun Breizh réagit et demande l'inscription en urgence de la toponymie bretonne, au patrimoine immatériel de l'Unesco.

"On n'a pas besoin de ça en Bretagne"

Yvon Ollivier, président de l'association : "nous renvoyons la balle dans le camp de l'UNESCO, parce que nous estimons que la menace est avérée. Les communes ont jusqu'au 1ᵉʳ juin, notamment pour commencer les opérations d'adressage. Les maires sont livrés à eux mêmes. On leur dit "Vous devez donner un nom de rue à toutes les rues". En Bretagne, traditionnellement, toutes les rues n'ont pas forcément un nom. Il y a le nom du hameau qui est en langue bretonne et cela suffit largement pour identifier l'adresse. On donne des noms français à des endroits qui n'avaient jamais eu de noms français auparavant. On n'a pas besoin de ça en région Bretagne, c'est une chance incroyable d'avoir une culture, une langue, une identité particulière. Aujourd'hui, on est en train de tout foutre en l'air."

Yvon Ollivier - Koun Breizh
Crédit : Nolwenn Even

Koun Breizh propose d'ajouter un numéro à chaque habitation en conservant le nom du lieu-dit. Certaines communes comme Plouégat-Guérand, près de Morlaix dans le Finistère, ont obtenu gain de cause. Elle pourra conserver les noms de ses 140 lieux-dits. Mais ce n’est pas le cas partout, et des noms de hameaux ont déjà disparu.

La région Bretagne doit s'investir dans le dossier

"On demande à l'UNESCO de faire son travail, d'investiguer et de voir avec l'Etat français ce qu'on peut faire, et quel est le bilan exact. A date, nous ne pouvons pas établir un bilan parce qu'il y a tellement de communes en Bretagne et on ne voit que la face émergée de l'iceberg. On demande aussi à la région Bretagne de s'emparer du dossier et de lancer une opération de recensement fidèle dans toutes les communes, de toutes les "débretonnisations" qui ont été faites pour essayer de proposer aux communes, via l'Office Ar Brezhoneg, des suggestions respectueuses de notre toponymie." L’association Koun Breizh a écrit à la région Bretagne le 2 mars dernier et espère une réponse et réaction politique forte.

Yvon Ollivier - Koun Breizh
Crédit : Nolwenn Even

"Si un lieu-dit sort de l'adressage, il n'existe plus dans dix ans, c'est fini."

Ker signifiant village, lieu habité, Coat pour bois ou petite forêt, bihan voulant dire petit. Ces noms de lieux-dits en breton servent à identifier le lieu, voire même les personnes qui y habitent. Les supprimer constitue une menace pour la langue selon Yvon Ollivier : "si un lieu-dit sort de l'adressage, il n'existe plus dans dix ans, c'est fini. La langue est gravement menacée et il faut un plan massif de formation des enseignants en place, comme ça se fait en Corse, pour enseigner le breton aux enfants, en espérant ensuite qu'ils puissent parler breton, etc. Qu'on ait une chaîne de télévision en langue bretonne. On apprend le breton à 4 % des enfants ! La politique linguistique est en échec, le nombre des enfants inscrits en filière bilingue n'augmente plus... c'est à la Région et à l'Etat de mettre en place une vraie politique linguistique."

Yvon Ollivier - Koun Breizh
Crédit : Nolwenn Even

L’Unesco considère la langue bretonne comme gravement menacée, près de 80% des 200 000 locuteurs actifs ont plus de 60 ans.

L’association Koun Breizh demande aussi un moratoire sur l'application de la loi 3DS, une enquête sur la suppression des noms de lieu-dit et à la région de proposer une remise en état aux communes concernées.